Rungis 2011

1h30 : Saint-Cyr. Dans la nuit noire, une nuit blanche se profile devant nous !

5 heures : Paris s'éveille, nous abordons Rungis, capés de blanc tel un essaim diaphane se groupant ou s'étirant au gré des butinages de chacun dans les pavillons que nous visitons.

Exhalant leurs senteurs, étalant leurs couleurs, enfermant jalousement leurs saveurs, ils exposent l'un après l'autre leur personnalité intime. par la diversité des hommes et la variété des produits échangés.  

La marée d'abord, nous mène par le nez au milieu de couteaux en fagots, de pinces de crabes en vrac, d'anchois en marinade, de turbots, lottes, et tant d'autres à la peau visqueuse, qui nous observent d'un œil vitreux, ne reconnaissant pas en nous les pêcheurs en bottes et cirés qui les ont débarqués récemment de chalutiers ventrus dégoulinants d'embruns.       

Rejetés, avec les dernières vagues d'acheteurs, nous échouâmes auprès de carcasses de veaux, de bœufs et de moutons entiers, suspendus alignés à de méchants crocs de boucher, sous l'œil expert des chevillards aux tabliers maculés de sang et aux neurones jonglant entre remises et additions de colonnes d'Euros. Serrés dans des caissettes, rognons blancs, foies gras, brochettes poulets labellisés, pigeons, lapins mêlés aux chevreaux et volailles hallal, n'eurent pas le don de nous inciter à passer plus de temps dans leur univers tragique ponctué du son chuintant de couperets séparant sans faillir les morceaux désirés.


 

Appels, interjections, vivacité des hommes et des couleurs du pavillon des fruits et légumes nous transportérent instantanément dans l'ambiance foisonnante et festive des marchés de Provence. Fruits veloutés, carminés, ocrés……., légumes puisant avec bonheur au-delà de la large palette des verts………Aux monceaux de pommes de terre et aux piles de cagettes d'oignons, nous préférâmes la variété et la rareté ( comme l'absinthe) de quelques plantes aromatiques mêlées aux productions de primeurs locales.

Productions locales absentes du pavillon des fleurs où elles côtoyaient celles du Midi il y a 40 ans au début de l'existence des Halles, avant que la domination hollandaise n'y creuse des brèches sinistres augurant mal de ce qui pourrait arriver à d'autres secteurs où l'importation n'est contenue que par quelques poches de résistance qui risquent; un jour, de montrer leurs limites.

La multitude des pâtes et des origines qui emplissent le pavillon des fromages semble, par contre, nous assurer encore une prééminence glorieuse que les roues de Gruyère n'écraseront certainement pas de sitôt.

Sur 232 hectares, avec 1200 entreprises employant 12000 personnes pour réaliser environ 7,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel , le M.I.N. de Rungis  ( Marché d'intérêt National) offre cette particularité bien française de regrouper sur un même lieu l'ensemble des produits frais destinés aux métiers de bouche, négociés de gré à gré entre grossistes, semi grossistes, détaillants  et utilisateurs professionnels, avec une exigence de qualité et de traçabilité.

Au terme d'une nuit courte et bien remplie, savoureux jambons, fromages et fruits aux parfums subtils, vin, jus de fruits, café, pain, croissants et confitures, ont agrémenté un moment de convivialité avec un ordre , des alternances, des répétitions parfois surprenants au gré des envies et des faims de chacun.

S'il nous a ragaillardis, ce petit déjeuner à la mode Rungis n'a pas ôté des interrogations diffuses sur la place de la France dans le Business alimentaire que nous avons parcouru et au moment où le sommeil enfin nous gagnait sur le chemin du retour, il est venu paradoxalement à plusieurs de penser "France réveille toi!" 

  
Michel Pranal

 

Petits films et animation avec le lien suivant:

http://www.rungisinternational.com/fr/jaune/videotheque/index.asp

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